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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/134

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puis qu’il en a si peu à ce qu’il me doit ? Je luy ay donné ce qui estoit à moy, et il ne me veut laisser ce qui n’est pas à luy ? Je luy ay sauvé la vie en me despouillant de ce que j’avois de plus cher, et il me la veut ravier en me refusant ce qui ne fut ny ne sera jamais sien. Mais, grande nymphe, toutes ces disputes entre luy et moy sont bien, ce me semble, hors de propos, puis que son malheur et la trop grande amitié que je luy ay portée, nous oste à tous deux ce bien que nous nous refusons l’un à l’autre ? Quel droict y as-tu, Calidon, puis qu’elle ne t’aime point ? – Nul autre, diras-tu, sinon celuy de mon affection, et du don que tu m’en as fait. – Mais, berger, comment y peux-tu pretendre pour ton affection, puis que tu vois assez qu’elle la refuse et la desdaigne ? et comment pour le don que tu as receu de moy, puis que je ne t’ay peu remettre autre chose que la part que j’y avois ? Or tout ce qui estoit mien dépendoit de sa volonté : que si ceste volonté s’est retiree de moy, quel pouvoir m’y reste-t’il ? Tu n’y as donc rien, berger, et n’y dois rien pretendre.

Voyons maintenant quel est le droit que j’y puis demander. O dieux ! qu’il seroit grand, s’il n’y avoit point eu de Calidon au monde ! car une amitié d’enfance, un soing si longuement continué, une recherché si pleine d’honnesteté, et depuis, une affection si violente, et une si longue possession de ses bonnes graces, ne rendroient ma cause