Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/136

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par services, par affections et par toutes sortes de devoirs, vous eussiez continué de m’aimer ? Appellez-vous cela une preuve d’affection, ou plustost n’est-ce pas une recognoissance d’obligation ? Il faloit pour me rendre tesmoinage de vostre amitié, que ce fust en une occasion où vous eussiez subject de me hayr ; la fortune a voulu que ceste-cy se soit presentée, j’en ay à la verité du regret, mais puis qu’elle est advenue, y a-t’il apparence que vous ne la receviez pas, ou que vous puissiez vous desdire de ce que vous m’avez tant de fois promis ? Quoy donc ? vous serez peut-estre de ces personnes, qui loin du peril se vantent de ne rien craindre, et à la premiere rencontre de l’ennemy se vont cacher sans resistance ? Mais direz-vous : comme esperes-tu, Thamire, de recevoir les fruicts que l’amour produict si imprudemment ? Tu en as coupe l’arbre, tu le devois pour le moins conserver et non le rendre un tronc inutile, si tu faisons dessein de t’en prevaloir. – Ha ! belle Celidée, permettez-moy de vous dire que j’eusse plustost couppé ma vie que ceste chere plante d’amour, et que quand je l’eusse entrepris, il m’eust esté impossible. Et toutesfois, soit ainsi que mon imprudence l’ait couppée, ne sçavez-vous pas que le myrthe est l’arbre d’amour, et pourquoy le voulez-vous changer en cyprés ? Le myrthe est de ceste nature, que plus il est couppé, et plus il rejette de diverses