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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/154

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yeux, les oreilles, et les esprits seuls en doivent avoir la jouyssance. Que si quelques autres sentiments s’y veulent mesler, ils ressemblent à ces effrontez qui viennet aux nopces sans y estre conviez.

- Ha ! mon enfant, adjousta l’autre, que ce druide vous apprenoit une doctrine entendue peut-estre de plusieurs, mais suivie sans doute de peu de personnes. Et c’est pourquoy il ne faut point trouver estrange les ennuis et les infortunes qui arrivent parmy ceux qui ayment, car amour, qui veritablement est le plus grand et le plus sainct de tous les dieux, se voyant offensé en tant de sortes, par ceux qui se disent des siens, et ne pouvant supporter les injures qu’ils luy font, soit en contrevenant à ses ordonnances, soit en profanant sa pureté, le chastie presque ordinairement, afin de leur faire recognoistre leur faute. Car toutes ces jalousies, tous ces desdains, tous ces rapports, toutes ces querelles, toutes ces infidelitez, et bref, tous ces desnouements d’amitié, que pensez-vous, mon enfant, que ce soient que punitions de ce grand dieu ? Que si nos desirs ne s’estendoient point au delà du discours, de la veue, et de l’ouye, pourquoy serions-nous jaloux, pourquoy desdaignez, pourquoy douteux, pourquoy ennemis, pourquoy trahis, et en fin pourquoy cesserions-nous d’aimer, et d’estre aimez, puis que la possession que quelque autre pourroit avoir