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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/173

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elle estoit aimée. Silvandre prevoyoit beaucoup de peine et peu d’esperance, et Astrée jugeoit qu’amour jettoit en leur ame les fondements d’une tres-belle et tres-longue amitié. Et quoy que tous trois eussent diverses pensées, si furent-elles toutesfois veritables, comme nous dirons cy-apres. Mais interrompant la suite de ces discours, et s’adressant à Diane : J’ay sceu, dit Silvandre, belle maistresse, que le brasselet que vous faites de vos cheveux a esté promis à Phillis, pour vous rachetter de son importunité. Si cela est, vous estes obligée de favoriser Silvandre autant comme elle, et afin que l’on ne vous croie point estre partiale, vous nous devez traitter egalement (si toutesfois l’affection que vous faites naistre en mon ame peut recevoir esgalité de quelque autre). – Et pourquoy non ? respondit Astrée, prenant la cause de Phillis contre luy, si toutes deux procedent d’une mesme cause : les mesmes grains produisent bien de differents epis. – Et pourquoy, luy dit-il, ne voulez-vous avouer qu’encores que la cause de nostre affection soit semblable, toutesfois les effets en puissent estre differens ? – L’experience, repliqua Astrée, me l’apprend, car celle de Phillis a obtenu ce qui sera refusé à la vostre. – Cela, respondit le berger, n’est pas defaut d’amour, mais de fortune ; et toutesfois, puisque la goutte d’eau tombant plusieurs fois sur le rocher, le cave