Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/175

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fit en sorte que le brasselet dedié à Phillis fut donné au berger, avec promesse toutesfois qu’il ne le garderoit que jusques à la fin du terme qu’il la devoit servir, qu’elle pensoit devoir finir dans peu de jours. A quoy, apres quelque difficulté, le berger s’accorda, se ressouvenant que le terme qu’il la devoit servir par feinte se paracheveroit bien tost, mais que celuy qu’il la devoit servir à bon escient, dureroit autant que celuy de sa vie. Il seroit mal-aisé de raconter les remerciements de Silvandre, mais plus encores le contentement qu’il en ressentit ; et suffira de dire que luy-mesme, qui autresfois avoit tant mesprisé les faveurs d’amour, et qui ne pouvoit se figurer qu’en semblables folies (car telles les souloit-il nommer) on peust trouver quelque sorte de contentment, avoua en cette occasion, qu’il n’y avoit point de felicité esgale à celle que ceste faveur luy faisoit ressentir. Et lors que par des paroles confuses en sa joye, il l’alloit representant le mieux qu’il luy estoit possible, il sembla qu’amour la luy voulust rendre plus entiere, faisant arriver la bergere Phillis. Car si celuy ne se peut dire heureux de qui le bon heur n’est cogneu de personne, il s’ensuit que plus l’heur que l’on possede est cogneu, l’on est aussi plus heureux, et encores plus lors que ce bien ne procede pas de la fortune, mais du merite. Aussi tost que Silvandre la vit, il courut vers elle, et luy monstrant