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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/176

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le bras où il avoit desja fait attacher le bien-heureux bracelet, le luy passoit devant les yeux, et luy demandoit : Quelles arres sont celles-cy de ma prochaine victoire ?

Phillis qui venoit de chercher Lycidas, pour le desir qu’elle avoit de le sortir de sa jalousie, et qui ne l’avoit sceu trouver, s’en revenoit si triste, et si lasse, qu’il ne luy fut pas malaisé de contrefaire la courroucée, ny necessaire de changer de visage, pour tesmoigner le desplaisir que cette faveur luy rapportoit. Et parce que le berger l’importunoit fort, non pas en cette action, comme elle faignoit, mais d’autant que c’estoit de luy, de qui Lycidas estoit jaloux, elle luy dit, le plus rudement qu’elle peut : Les arres que vous monstrez, le sont plustost de vostre peu de merite, que de vostre prochaine victoire, et c’est ainsi que pour rendre les charges justes, on a de coustume de faire. – Et comment l’entendez-vous ? respondit le berger. – Je veux dire, repliqua-t’elle, que du costé qui est trop leger, on met quelque chose de pesant pour contre-ballancer l’autre, jusques à ce que le voyage soit finy, mais estant arrivez, l’on le descharge, et la bale demeure tousjours de son poids. Aussi jusques à ce que nous ayons achevé nostre terme, Diane va sagement par ses faveurs appesantissant le costé qui est le plus leger, mais apres elle jugera sans avoir égard à la pesanteur de mon affection, et à la legereté de vostre