Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/18

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par juste punition, refusast à sa douleur le remede que le temps a de coustume de rapporter à tous ceux qui ont de sujet que de douloir ; car, au lieu d’adoucir les aigreus de ses ennuis, tous les jours elle descouvroit de nouvelles occasiones de regret. Et quant sa memoire, divertie ailleurs par les compagnies qui la venoient visiter, cessoit quelque fois de luy representer les causes de ses desplaisirs, ses yeux, en eschange, par tout où ils s’addressoient, ne voyoient que des objets tellement ennuyeux que, pour ne les voir, elle demeuroit le plus souvent dans sa cabane.

Mais ce qui l’affligeoit davantage, c’estoit qu’elle estoit privée de ceste consolation, quy se trouve encore parmy les plus grandes infortunes. Je veux dire qu’elle ne pouvoit rejetter le sujet de sa faute que sur elle mesme, ny trouver les moyens de s’en excuser de quelques biays qu’elle peust tourner cest accident. Et ne faut douter qu’il lui eust esté entierement impossible de continuer sa vie surchargée de tant d’ennuys, si l’amitié de Diane et de Phyllis ne lui eust aydé a les supporter, la presence de la personne aymée estant l’un des plus souverains remedes que la tristess pust recevoir. Aussi ces cheres Amies n’en estant pas ignorantes, avoient un si grand soin de cette bergere, que dés la pointe du jour, l’une et l’autre, et bien souvent