Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

toutes deux la venoient trouver et comme par foi l’arrachoient de sa cabane, et la conduisoient par les endroits les plus recoulez de peur de la veue de ceux où elle souloit voir Celadon ne luy renouvellast la memoire de sa fascheuse perte. Et puis à l’envy s’estoudioient à qui pour la divertir, luy feroit un meilleur conte, ou proposeroit quelque agréable jeu pour passer plus doucement le reste de la journée ; de sorte qu’en despit de la fortune, ces gentils bergeres desroboient tousjours quelques heures au desplaisir d’Astrée, pour les mettre en un meilleur usage.

Silvandre, d’autre costé, feignant de rechercher Diane par gageure, en devint de telle sorte amoureux, qu’il servit longuement d’exemple à tous ceux de sa contrée, et leur enseigna à ses dépens, qu’Amour ne souffre guere qu’on se mocque de luy ; car il rencontra en ceste bergere tant de causes d’amour, qu’il estoit tout estonné de l’avoir veue si long temps sans l’avoir aymée. Et quoy que la gageure qui estoit cause de la naissance de son affection, fut le commencement de son mal, si ne s’en plaignoit-il point, puis que, sans offenser diane, elle luy donnat la liberté de luy raconter ses passions, la violence de son amour estant telle; que s’il eust esté forcé de la cacher, il lui eut esté impossible de vivre.