Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/190

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bois qui n’est pas loing d’icy, et le matin, à mon reveil, je me suis trouvé la lettre en la main. D’abord j’ay esté fort estonné, mais l’ayant leue, j’ay bien recogneu que le demon qui m’ayme et qui prend la peine de ma conduite, lisant en mon imagination ces mesmes pensées, les a escrittes dans ce papier pour les vous representer. Phillis, qui estoit accorte, voyant que Diane ne luy respondit rien, luy demanda s’il sçauroit bien treuver le chemin de ce bois. Non pas, dit-il, s’il n’y a que vous qui vueillez y aller ; mais, s’il plaist à ma maistresse, je l’y conduiray, et m’asseure que les arbres qui m’ont ouy presque toute la nuict, racontent encores mes discours entre eux. Astrée, desireuse de voir ce lieu, fit signe de l’œil à Diane qu’elle le prist au mot : qui fut cause que la ber- gere, apres luy avoir demandé s’il y avoit assez de jour pour aller et revenir, et ayant sceu qu’ouy, le pria de les y conduire toutes. Le berger, qui estoit plein de courtoisie, et qui, outre cela, ne desiroit rien avec tant de passion, que de faire service à la belle Diane, s’offrit fort librement de leur en monstrer le chemin ; de sorte que Diane, se tournant vers les autres bergeres, afin de mieux cacher le dessein d’Astrée, les pria fort particulierement de vouloir luy donner le reste de la journée, et de prendre la peine de faire ce voyage avec elle ; qu’en eschange elles pourroient une autre fois disposer