Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/203

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nous dirons, qu’elle en sceut presque autant qu’eux-mesmes. Aussi, n’y ayant personne en la compagnie qui soupçonnast le dessein qu’elle avoit, elles les escoutoit librement, et s’en approchoit sans qu’ils s’en donnassent garde. Elle donc, n’ayant rien qui la divertit, apres avoir consideré tous ces bergers et bergeres, se vint mettre le plus prés qu’elle peut de Silvandre qui conduisoit Diane, parce que c’estoit celuy à qui elle vouloit le plus de mal, et ayant desja quelque opinion de ceste amour elle desiroit avec passion d’en descouvrir d’avantage.

Diane qui n’avoit point de dessein sur Silvandre, quoy qu’elle luy voulut plus de bien qu’au reste des bergers de Lignon, ne se soucioit point que ses parolles fussent ouyes ; et Silvandre n’y prenoit pas garde, parce que du tout attentif à ce qu’il disoit à sa maistresse, il ne voyoit presque le chemin par où il passoit, qui fut cause que Laonice les peut escouter aisément. Or ce berger, aussi tost qu’il se vit seul pres de Diane : Et bien, ma belle maistresse, luy dit-il, quel juement ferez-vous de Phillis et de moy ? – Que Phillis, repondit-elle, est la personne du monde qui sçait le plus mal mentir, et que Silvandre est le berger que je vis jamais qui dissimule le mieux ; car il est certain que vous contrefaites mieux le passionné que personne du monde. –