Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/243

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bien fait de trahir plustost une amitié qu’un amour, et d’avoir plus d’esgard à la conservation de ma vie et de mon contentement, qu’à celle de Clorian ? Clorian m’ayme et j’ayme Circéne. Clorian me prie de parler pour luy à Circéne, et mon affection me fait la mesme requeste pour moy. Si je ne satisfais à Clorian, j’offence l’amitié que je luy porte ; si je ne satisfais à mon affection, j’of­fense Circéne, et Hylas. J’ayme Clorian, j’ayme aussi Hylas, et par là vous voyez que ces deux amitiez pour le moins se contrepesent, car j’ayme bien autant Hylas que Clorian, voire eust-il avec luy tout le reste du monde. Mais l’amour que je porte à Circéne se joignant à l’amitié que je me porte, appesantit de cette sorte ce costé de la balance, que je ne tournay pas seulement les yeux sur Clorian, pour voir quel estoit son poids.

Je me laissay donc emporter à ce que je me devois, et pour vous monstrer que j’avois raison, les dieux approuverent mon dessein, le favorisant tellement, que Circéne, apres avoir esté recherchée de moy quelque temps, m’aima en fin peut-estre autant que je l’aimois; et quand vous sçauriez les asseurances que j’en ay receues, je veux croire que vous en diriez autant que moy. Mais parce qu’elle avoit des personnes à qui elle de voit donner de la satisfaction, et particulierement à sa mere, elle me pria de trouver