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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/242

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en est ois amoureux depuis que je l’avois veue la nuict dans le temple ; de sorte que je vis bien qu’il faloit que je contrevinsse ou à l’amitié, ou à l’amour. Et apres que j’eus longuement debatu et pour l’un et pour l’autre, à sçavoir à qui cederoit, en fin je conclus qu’il faloit que le nouveau venu quittast la place à l’autre. Mais je n’eus pas plustost fait cette resolution, que l’amour incontinent me representa qu’il-estoit nay en mon ame aussi tost presque que j’estois nay, et que l’affection que je portois à Circéne, avoit ? devancé celle que j’avois depuis eue pour Palinice, qui estoit cause de l’amitié de Clorian. Et par ainsi l’amitié estant venue long temps apres l’amour, fus-je injuste d’ordonner qu’elle cederoit ? Nullement, ce me semble, puis que nous voyons que les loix appreuvent ceste primogeniture des peres envers leurs enfans, et qu’ail me semble mesme que la nature le vueille ainsi. Voilà donc la raison qui me fit parler à Circéne de la sorte que Florice vous a dit, et jugez si je pouvois avoir outre cela plus d’obligation au contentement de quelque autre, qu’au mien propre.

Qu’elle ne m’aille donc point reprochant que j’ay trahy mon amy ; car si de deux maux il faut tous jours choisir le moindre, et si l’homicide de soy-mesme est plus grand que de quelque autre que ce soit, qui dira, s’il n’est hors du sens, que je n’aye