Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ce qu’ils desirent, et trouvent des apparences d’espoir où il n’y a poinct d’apparence de raison.

Apres avoir remercié le genie de ce rocher et les nymphes de Lignon, il faisoit dessein d’aller attendre sa bergere au carrefour de Mercure, par ce qu’estoit par là qu’elle avoit accoustume d’aller chez Astrée, et il luy sembloit que l’heure en approchoit la moitié du jour estant desja passé. Mais lors qu’il en vouloit prendre le chemin, il vit assez pres de luy la nymphe Leonide, et le gentil Paris, qui ayant ouy sa voix avoient tourné leur pas vers luy, tant pour sçavoir des nouvelles des bergeres, Astrée, Diane, et Phillis, que pour avoir le plaisir de sa compagnie. Car, encor que Paris cognust bien l’affection qu’il portast à Diane, si ne laissoit-il de l’aymer et de l’estimer beaucoup, ne pouvant croire que ceste sage bergere le deust jamais à luy preferer à cause de la grandeur d’Adamas, qui pour sa qualité de grand druyde estoit, apres Amasis, le plus honoré par toute la contrée : ignorant, qui ne sçavoit pas que l’amour ne se mesure jamais a l’aune de l’ambition ni du merite, mais à celle de l’opinion seulement.

Silvandre qui estoit plein de civilité comme ayant esté nourry parmi les escholles des Phochences et Massiliens, encore que la veneue de Paris ne luy fust agreable, sçachant bien qu’amour le conduisoit parmy les bois, et un amour qui encore estoit à son desavantage, ne laissa