Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/261

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d’autres de cueillir des fleurs, ou de se promener.

Florice fut de celles qui, espanchées par le pré, faisoient des bouquets et des guirlandes. Elle estoit alors assise sur ses talons, et separée de la troupe, s’entretenoit peut-estre de ce que Teombre venoit de dire. Je m’approchay d’elle, non pas pour m’y embar­quer du tout, mais ayant deux desseins : l’un, de sonder s’il y feroit bon, et selon que je trouverois le passage, de passer plus outre, ou de m’en retirer ; et l’autre, pensant que Circéne, tou­chée de cette jalousie, ne voudroit pas me perdre, et viendroit peut-estre à quelque repentir. Mais il advint autrement, comme vous entendrez. Mettant donc un genouil en terre pour luy parler plus aisément, je faisois semblant de luy ayder à cueillir des fleurs. Elle les prenoit de ma main avec beaucoup de civilité, non tou-tesfois sans s’estonner que, ne l’ayant jamais veue auparavant, je prisse cette peine. Je le recognus bien, mais sans luy en rien dire, je voulois attendre que ses paroles me donnassent occasion de luy faire entendre que je l’aymois, estant bien asseuré qu’il estoit impossible qu’il n’advinst ainsi. Et ce qui me faisoit traitter celle-cy avec plus de respect, c’estoit la grandeur qu’elle tenoit, qui, à la verité, estoit telle que je n’eus jamais tant de crainte d’aborder pas une des autres que j’ay aymées.

Et voyez si je ne devine pas quelquefois.