Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/271

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de ces deux amants pour tesmoins du serment que nous faisions, et pour justes punisseurs de celuy qui manqueroit aux loix de l’amitié. Apres cette protestation, quelques jours se passerent que l’un n’avoit rien en l’ame qu’il ne descouvrist à l’autre. Il advint qu’un matin (parce que le plus souvent nous couchions ensemble) apres avoir parlé quelque temps des affections des cheres et belles dames de la ville, en faisant le jugement tel que nous pouvoit permettre la cognoissance que nous en avions, il me demanda si je n’aimois rien. Et luy ayant respondu que ouy, il me dit qu’avant que de me demander qui estoit ma maistresse, il vouloit me descouvrir la sienne. – Je veux, luy dis-je, estre le premier en cette franchise, puis que vous avez esté le premier à m’en parler. Et lors je luy racontay toute la recherche que j’avois faite à Dorinde depuis deux mois, sans luy parler en façon quelconque de Florice, tant parce que je l’aimois d’avantage, et qu’à cette occasion je desirois que cette amour fust secrette, que d’autant que je sçavois qu’un de ses parens la recherchoit pour l’espouser. Aussi tost que je luy eus nommé Dorinde : Comment, reprit-il, vous aimez Dorinde ? Dorinde, qui est fille d’Arcingentorix ? – C’est celle-là mesme, luy dis-je, et vous asseure qu’il y a plus de six mois qu je la recherche. – Ah Dieu ! s’escria-t’il,