Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/274

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s’armera du desdain et du despit contre les forces de l’amour. Et je jure tous les dieux de n’y contrevenir jamais.

Or, gentil Paris, considerez quel est le naturel de la plus part des hommes. Avant que Periandre m’eust declaré son affection, j’aymois certes Dorinde, mais beaucoup moins que je ne fis depuis ; et sembla que, comme le brasier s’augmente par l’agitation du vent, de mesme mon affection prit beaucoup plus de violence par la contrariété de celle de Periandre. Cela fut cause que je me donnay à elle plus qu’auparavant ; mais l’ayant recherchée quelques jours sans effet, et craignant que Periandre, pour estre de la ville, et avoir beaucoup de parents des plus remarquables du lieu, ne s’avançast plus en ses bonnes graces que moy, je me resolus de le prevenir, et attacher, comme on dit, de la peau du renard où defailloit celle du lyon. Je recourus donc à la ruze, me semblant qu’en amour toutes finesses sont justes.

Je fis faire secrettement un miroir de la grandeur de la main, que je fis enrichir autant qu’il me fut possible, soit par l’esmail qui estoit mis sur l’or, soit par les descoupures des chiffres qui en augmentoient et la valeur, et la beauté, et apres m’estre fait peindre le plus au naturel qu’il fut possible au renommé Zeuxide, je fis mettre mon pourtraict entre la glace et la table