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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/276

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donner.

Il ne sert à rien que je vous aille racontant les allées et venues de cette femme ; tant y a que ma ruze reussit, de sorte que Dorinde l’acheta, tant pour sa beauté, que pour le bon marché, n’en donnant pas le tiers de ce qu’il valoit. Estant donc mes affaires ainsi bien disposées, cinq ou six jours apres que je le veis à sa ceinture, et qu’elle le cherissoit fort, tant pour sa beauté, que suivant le naturel de plusieurs, qui ayant nouvellement recouvré quelque chose, l’ont beaucoup plus chere, je jugeay qu’il estoit necessaire de parachever mon dessein promptement, parce qu’il estoit à craindre que le verre estant fragile ne vint à estre cassé, et que mon pourtraict ne se decouvrist. Pour prevenir donc cet inconvenient, trouvant Periandre en commodité, je m’enquis de luy, s’il n’avoit rien avancé aupres de Dorinde. A quoy franchement il me respondit qu’il n’avoit non plus de cognoissance de sa bonne volonté, que le premier jour qu’il l’avoit veue ; qu’il ne sçavoit s’il en devoit accuser le naturel d’elle, ou le peu de merite qui estoit en luy, ou son trop de malheur ; que toutesfois, ce qui luy donnoit quelque espece de contentement, c’estoit de voir qu’elle traittoit de mesme avec tous les autres. – N’accusez point, luy dis-je, mon frere, ny vostre peu de merite, ny le naturel de Dorinde, car vous meritez beaucoup plus que cette fortune, et elle n’est pas insensible aux