Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/279

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peu de demonstration ; aussi tost qu’elle l’apperceut, elle l’alla recevoir avec sa courtoisie accoustumée. Mais luy qui estoit desja prevenu d’une tres-mauvaise opinion, jugeant que tout ce qu’elle en faisoit n’estoit que par fainte, commençoit desja de luy vouloir mal, et ne regardoit toutes ses actions qu’avec desdain.

Presque au mesme temps qu’il fut arrivé, ces dames s’en allerent. Et parce que Dorinde estoit innocente de la faute dont en son ame il l’accusoit, il s’estonnoit de voir franchise dont elle traittoit avec luy. Mais ne pouvant plus s’arrester en ce lieu, où il luy sembloit estre tant indignement trahy, il voulut voir si j’avois dit verité. Il luy prend donc son miroir, faisant semblant de le trouver beau ; et parce qu’il estoit debout et appuyé contre la table, il feignit de se laisser emporter au discours qu’il luy tenoit, et tournant le bras, le mit entre luy et un des coings.

Au bruit que fit la glace en se rompant, il fit semblant de tressaillir, comme l’ayant fait par mesgarde. Et voyant que le verre estoit rompu : Je vous en demande pardon, dit-il, ma maistresse, et je suis obligé par ma faute, d’y faire remettre une autre glace. Elle luy respondit que c’estoit peu de chose, et que cela ne meritoit pas qu’il en prist la peine. Et à ce mot elle tendit la main pour le reprendre, mais luy, ayant opinion qu’elle ne le luy vouloit laisser