Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rapport incertain, ne sçauroit estre bon ni proceder d’une ame bien posée. Mais tout ainsi que ce produit quelque chose, n’est- ce pas ce qui la nourrit, et qui la met apres en sa perfection, de mesme devons nous dire de l’amour, parce que si nos agneaux naissent de nos brebis, et qu’au commencement ils tirent quelque legere nourriture de leur laict, ce n’est pas toutefois ce laict qui les met en leur perfection, mais une plus ferme nourriture qu’ils reçoivent de l’herbe qu’ils se paissent. Aussi les yeux peuvent bien commencer et eslever une jeune affection, mais lors qu’elle est creue, il faut bien quelque chose de plus ferme et plus solide, pour la rendre parfaicte, et cela ne peuct estre que la cognoissance des vertus, des beautez, des merites, et d’une reciproque affection de celle que nous aymons. Or quelques unes de ces cognoissances prennent bien leur origine dans les yeux, mais il faut que l’ame par apres se tournant sur les images qui lui en sont demeurés au rapport des yeux et des oreilles, les appele à la preuve du jugement, et que, toutes choses bien debatues, elle en fasse naistre la verité. Que si ceste verité est à nostre advantage, elle produit en nous des pensées dont la douceur ne peut estre esgalée par autre sorte de contentement que par l’effet des mesmes pensées. Que si elles sont seulement advantageuses