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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/29

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pour la personne aymée, elles augmentent sans doute nostre affection, mais avec violence et inquietude. Et c’est pourquoy il ne faut point douter que l’absence n’augmente l’amour, pourveu toutesfois qu’elle ne soit pas si longue que l’image receue de la chose aymée se puissent effacer, soit que l’amant eslongné ne se represente que les perfections de ce qu’il ayme, parce qu’Amour qui est ruzé et cauteleux ne luy a peint que ces images parfaittes en la fantaisie, soit que l’entendement estant desja blessé ne vueille tourner sa veue que sur celles qui luy plaisent, soit que la pensée en semblables choses adjuste tousjours aux perfections de la personne aymée. Tant y a que celuy veritablement n’a point aymée, qui n’augmente son affection, estant esloigné de ce qu’il ayme.

– Quant à moy, respondit Leonide, j’eusse faict un jugement bien different au vostre, ayant tousjours ouy dire que l’absence est la plus grande et plus dangereuse ennemie d’amour. – La presence, repliqua le berger, l’est sans comparaison beaucoup d’avantage, comme nous l’apprend tous les jours l’experience, car pour un amour qui se change entre les personnes absentes, nous voyons qu’entre les presentes il y en a plus de cent ; et de plus, pour montrer combien la presence est plus contraire à l’amour si nous cessons d’aymer estant absents,