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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/294

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parce qu’estant jeune il n’y en a guiere de son aage qui refusent telles fortunes. Que s’il me les a dissimulées, c’est qu’il a creu que je m’en fascherois, ou que je les declarerois, et tout homme d’honneur est obligé de conserver la reputation de celles qui l’obligent. Mais qu’il ne m’ait toujours aymée davantage qu’elle, il n’y a point de doute, puis que parmy toutes les faveurs qu’il en a reçues, il ne luy a jamais parlé de nostre amitié. Ces pensées en fin la contraignirent de se condamner tout à fait coulpable, et d’avoir un extreme repentir de la faute qu’elle avoit faite, luy laissant un tres-grand desir de raccomoder ce qu’elle avoit deffait.

Au contraire, Dorinde justement animée contre moy, bruslant toute de courroux et de despit, apres s’estre noyée le sein de pleurs, profera seule dans son cabinet toutes les plus cruelles paroles que la douleur luy mit en la bouche. Et de fortune, ainsi qu’elle essuyoit ses yeux, j’arrivay chez elle. Et parce qu’elle m’ouyt marcher, et qu’elle se douta bien que c’estoit moy, elle courut pousser la porte qu’elle avoit laissée ouverte quand Florice estoit sortie, et que depuis elle ne s’estoit pas souvenue de refermer, tant elle avoit l’esprit ailleurs. Mais elle ne le peut faire si promptement que je ne visse ses yeux encore rouges de force de pleurer. Et lors que je m’estonnois et de ses