Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/298

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pas seulement semblant de l’avoir jamais veue. Et en cela je ne me contraignois nullement : car il estoit tres veritable qu’encores qu’elle fust plus belle que Dorinde, et beaucoup plus relevée, si est-ce que le despit m’avoit si bien changé les yeux que ceste beauté ne m’estoit point agreable, et que je la mesprisois.

Elle le supporta quelque temps, feignant de ne s’en soucier, et s’efforcoit de faire paroistre que mes actions luy estoient indifférentes ; mais en fin il falut venir aux regrets et au repentir de m’avoir perdu. Et d’autant qu’elle sçavoit bien que je l’avois aymée, et qu’une affection ne se perd pas aysément, elle creut que si elle faisoit semblant d’en aymer quelque autre, cela sans doute me r’appelleroit, et feroit revenir vers elle. Elle fit donc ce dessein, et cherchant en elle-mesme à qui elle se pourroit adresser pour me le faire croire plus aysément, elle n’en trouva point de plus à propos que Teombre, tant parce qu’elle jugeoit qu’il seroit plus disposé à recevoir de l’amour, que d’autant que je le croyois plustost, sçachant bien qu’elle en avoit autrefois esté aymée.

Elle commence donc de faire bonne chere à Teombre, luy parle, et monstre de se plaire à tout ce qu’il dit et qu’il fait, et quand elle voit que je m’en prens garde, c’est lors qu’elle en fait plus de cas, et qu’elle