Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/309

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en peine de la lettre qu’elle m’avoit escrite, je fis qu’elle luy fust rapportée par un des miens, qui luy fit entendre que j’estois party il y avoit deux ou trois jours et que d’autant qu’il ne sçavoit où j’estois allé, il luy rendoit cette lettre, de peur qu’elle ne se perdist. Elle ne cogneut point qu’elle eust esté ouverte, parce que la fermant avec la mesme soye, j’y avois mis le mesme cachet, d’autant qu’il y avoit long temps que nous en avions chacun un semblable. Elle reprit la lettre en souspirant, et puis s’enquit pourquoy je m’en estois allé, et quel si prompt affaire m’y avoit contraint. Il luy respondit, ayant été bien instruit par moy, qu’il n’en sçavoit autre chose sinon qu’il m’avoit jamais veu si triste que j’estois à mon départ, et que je luy avois seulement commandé de l’attendre. Alors avec un grand souspir : Ah ! dit-elle, j’ay peur qu’il reviendra trop tard pour mon contentement. Et à ce mot, pour ne laisser voir ses larmes qui luy sortoient des yeux, elle s’en alla de l’autre costé. A son retour il me raconte tout ce qu’elle avoit dit, et fait, et il faut confesser que j’en eus pitié ; mais il me fut impossible de me resoudre à l’espouser. Je me tins donc caché tant que les nopces demeurerent à se faire, et d’heure à autre j’envoyois celuy qui lui avoit apporté sa lettre, pour apprendre des nouvelles. En fin je sceus que le tout estoit