Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/336

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les pieds nuds, entrent sous la tonne. Et lors Silvandre se tournant vers Hylas : Escoute, Hylas, luy dit-il, escoute mes paroles, et en sois tesmoin. Et puis relisant les vers qui estoient à l’entrée, il dit, ayant les yeux contre le ciel, et les genoux en terre : O grande deité ! qui es adorée en ce lieu, voicy j’entre en ton sainct boccage, tres asseuré que je ne contreviens point à ta volonté, sçachant que mon amour est si sainct et si pur que tu auras agreable de recevoir les vœux et supplications d’une ame qui ayme si bien que la mienne. Et si la protestation que je fais n’est veritable, punis, ô grande deité, mon parjure et mon outrecuidance. A ce mot, les mains jointes et la teste nue, il entra dans la tonne, et tous les autres apres, horsmis Hylas. Le lieu estoit spacieux, de quinze ou seize pas en rond, et au milieu y avoit un grand chesne, sur lequel s’appuyoit la voute que faisoient les petis arbres, et mesmes ses branches tirées contre bas en couvroient une partie. Au pied de cest arbre estoient relevez quelques gazons en forme d’autel sur lequel y avoit un tableau où deux amours estoient peints, qui essayoient de s’oster l’un à l’autre une branche de mirte, et une de palme, entortillées ensemble. Soudain que ceste devote troupe fut entrée, chacun se jetta à genoux ; et apres avoir adoré en particulier la deité