Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/356

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

moins de le faire, et ne cesseray que je ne perde ou la vie, ou les yeux. – Je ne vous diray pas, repliqua Phillis, que Celadon vive ; mais si feray bien que s’il a escrit ce que nous lisons, il faut que de necessité il ne soit pas, mort. – Et quoy, dit-elle, ma sœur, n’avez-vous jamais ouy dire à nos druides que nous avons une ame qui ne meurt pas, encor que nostre corps meure ? – Je l’ay bien ouy dire, respondit Phillis. – Et n’avez-vous pas bonne memoire de ce qu’ils nous ont si souvent enseigné, qu’il faut donner des sepultures aux morts, voire mesme leur mettre quelque piece d’argent dans la bouche, afin qu’ils puissent payer celuy qui les passe dans le royaume de Dis ? qu’autrement ceux qui sont privez de sepulture demeurent cent ans errants le long des lieux où ils ont perdu leurs corps ? Et ne sçavez-vous pas que celuy de Celadon n’ayant peu estre trouvé, est demeuré sans ce dernier office de pitié ? Que si cela est, pourquoy seroit-il impossible qu’il allast errant le long de ce malheureux rivage de Lignon et que conservant l’amitié qu’il m’a tousjours portée, il eust encore pour son intention les mesmes pensées qu’autrefois il a eues ? Ah ! ma sœur, Celadon est trop veritablement mort pour mon contentement, et ce que nous en voyons, n’est que le tesmoignage de son amitié et de mon imprudence. – Ce que j’en dis, respondit Phillis, n’est que pour l’apparence que j’