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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/359

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ne puis cacher, rendent tesmoignage que Celadon m’a aymée, puis que sa memoire me les arrache par force ; mais ces escrits, qui sont sur ces gazons, tesmoignent aussi qu’Astrée a plustost fait faute contre l’amour que contre le devoir. Cela est cause que je ne fais point de difficulté de l’advouer pour luy rendre au moins ceste satisfaction apres sa mort, que mon honnesteté n’a jamais permis qu’il eust receue durant sa vie.

A ces parolles, toute la trouppe s’approcha d’elle, et Diane luy montrant les billets qu’elle avoit : Est-ce là de l’escriture de Celadon ? – C’en est sans doute, respondit Astrée. – C’est donc signe, adjousta Diane, qu’il n’est pas mort. A quoy Phillis respondit : C’est dequoy nous parlions à ceste heure mesme ; mais elle dit que l’ame de Celadon qui va errant le long du rivage de Lignon les a escrits. – Et quoy ? Dit Tircis, n’a-t’il point esté enterré ? – C’est la cause, dit Astrée, qu’il va errant de ceste sorte ; car on ne luy a pas mesme faict un vain tombeau. – C’est veritablement, adjousta Phillis, trop de nonchalance, d’avoir laissé si longuement en peine pour un devoir de si peu de moment, une si belle ame que celle de ce gentil berger. – Voilà, dit Tircis, comme le soucy des morts touche le plus souvent fort peu ceux qui survivent : de sorte que j’estime ceux-là sages, qui durant leur vie y pourvoient. – Et sans mentir, adjousta Diane, c’est chose estrange