Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/361

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me faisant entendre ce que je viens de vous dire.

– Quant à moy, dit Silvandre, puisqu’à faute de sepulture on demeure quelque temps au tour du lieu où l’on meurt, je veux prier tous mes amis, que si je meurs en ceste contrée, ils ne m’enterrent point, afin que j’aye plus de loisir de voir ma belle maistresse. Car il n’y a contentement des champs Elisiens qui vaille celuy-là, ny peine qu’une ame puisse souffrir pour n’estre en son element, qui ne soit beaucoup moindre que le bien de la voir. – Cela seroit fort bon, respondit Tircis, si apres la mort, vous despouillant du corps, vous ne laissiez point aussi tous ces amours ; mais j’ay ouy dire à nos sages, que nos passions n’estoient que des tributs de l’humanité, et que les dieux nous avoient naturellement donné cet instinct, afin que la race de hommes ne vinst à deffaillir, mais qu’apres la mort, d’autant que les ames sont immortelles et que rien d’immortel ne peut engendrer, cest amour se perd en elles, tout ainsi que la volonté de manger, de boire et de dormir. – Et toutesfois, dit Silvandre, si Celadon a escrit ce que nous lisons, il n’y a pas apparence qu’il ait perdu l’affection qu’il portoit à ceste bergere. – Et qui sçait, respondit Tircis, si les dieux qui sont justes ne luy ont point voulu donner ceste particuliere satisfaction pour recompense de la vertueuse et sainte