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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/38

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dire qu’elle est cause que je ne suis plus mien, que je sers, et que j’ay perdu ma liberté. Que si cette liberté ne se peut acheter pour quelque prix que ce soit, je ne dois pas estre plus son obligé de m’avoir peut-estre rendu un peu plus honneste homme, qu’offencé contre elle de ce qu’elle m’a faict perdre cette chere et desirable franchise. – Mais ne mettez-vous point en compte adjousta la nymphe, que vous acquerrez peut-estre l’amitié de celle que vous aymez ? et pour une si belle entreprise une ame bien née comme la vostre peut-elle regretter quelque perte que ce soit ou se plaindre de la personne qui en est cause ?- Une ame bien née epliqua-t’il, ne se peut louer de celle qui est cause de sa servitude, pour quelque esperance de bien qu’elle luy puisse donner ; car en fin le service, quoy que plus ou moins honteux, est tousjours service.

D’abord que Lucidas ouyt nommer Phillis, il demeura beaucoup plus attentif ; mais quand il ouyt la suite du discours, et des repliques du berger, il creut que veritablement il l’aymoit, et ne sçachant si bien couvrir sa jalousie, qu’il eust desiré, il ne se peut empescher de luy dire : et quoy, berger, aymez-vous bien autant cette bergere que vous en faittes semblant ?

Silvandre, qui, sans penser à Lycidas, avoit parlé de ceste sorte à Leonide, cognoissant bien que la jalousie luy faisoit faire cette demande, pour le