Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/392

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il s’appelloit Damon, parent assez proche de Leontidas, comme vous avez ouy dire, et de qui le roy ne faisoit point bon jugement pour les raisons que je vous ay dites ; toutesfois, lors qu’il commença de se changer, le roy aussi changea d’opinion. Mais parce que Leontidas estoit homme tres-avisé, et qui toute sa vie avoit fait profession de remarquer les actions d’autruy, et d’en faire jugement, il se prist bien tost garde de son dessein, qui luy estoit insupportable, à cause de la volonté qu’il avoit de me donner à son nepveu. Et pour couper chemin à cette nouvelle recherche, il me deffendit si absolument de le voir, et luy en parla de sorte que nous demeurâmes tous deux plus offencez de luy que je ne vous sçaurions dire. Et suivant le coustume des choses deffendues, nous commençâmes dés lors d’avoir plus de desir de nous voir, et fûmes presque plus attirez à l’amitié l’un de l’autre que nous n’estions auparavant.

Il n’y a rien, discrettes bergeres, qui me contraigne de vous advouer, ou de nier ce que je vay vous dire, si bien que vous devez croire que c’est la seule verité qui m’y oblige. Lors que Damon commença de me rechercher, son humeur m’estoit si desagreable que je ne le pouvois souffrir ; mais depuis que Leontidas, avec de fascheuses paroles, m’eut si expressément defendu de le voir, le doute qu’il fit paroistre d’avoir