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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/394

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longue dispute en son esprit, il fit une telle lettre.

Lettre de Damon à Madonte

C’est bien temerité d’aymer tant de perfections, mais aussi c’est bien mon devoir de servir tant de merites. Et si vous voulez esteindre l’affection de ceux qui vous ayment, il faut que de mesme vous laissiez les perfections qui vous font aymer. Et si vous ne voulez point estre aymée, vueillez aussi n’estre point aymable, autrement ne trouvez estrange que vous soyez desobeye ; car la force excusera toujours ceux qui feront cette offence contre vostre volonté, puis que la necessité ne recognoist pas mesme la loy que les dieux nous imposent.

Mais quand il me voulut faire voir cette lettre, il ne fut pas sans peine, parce qu’il sçavoit bien que je ne la recevrois pas sans artifice. En fin voyez quelles sont les inventions d’amour. Il me vint trouver, fit semblant de m’entretenir des nouvelles de la Cour, me raconta deux ou trois accidents sur ce subjet, avenus depuis peu, et en fin me dit qu’il avoit recogneu une nouvelle affection qui n’estoit petite, mais qu’il craignoit de me la dire,