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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/405

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comme je vous ay dit, de me donner à son nepveu, pour contenter son esprit, il pensa de mettre pres de moy une femme qui prist garde à mes actions sans en faire semblant. Elle se nommoit Leriane, et desjà estoit bien fort avancée en son aage, toutesfois d’une humeur assez complaisante, mais au reste la plus fine et rusée qui fut jamais.

Pour ce coup je n’eus pas la veue si bonne que Damon, car d’abord qu’elle me fut donnée, il descouvrit le dessein de Leontidas ; et parce que je la trouvois de bonne compagnie et qu’elle faisoit tout ce qu’elle pouvoit pour me plaire, je ne pouvois croire qu’elle eust ceste mauvaise intention. Et d’autant que continuellement il me disoit qu’elle me tromperoit, et que je m’en prisse garde, nous fismes resolution de jouer au plus fin. Et puis qu’il ne despendoit pas de nostre volonté de l’eslonguer de nous, nous pensames qu’il estoit à propos de faire semblant que sa compagnie nous estoit tres-agreable. Par cet artifice nous avions opinion de l’obliger à ne nous rendre point tous les mauvais offices qu’elle pourroit, et de faire paroistre à Leontidas que nous n’avions point de dessein, que nous ne voulussions bien qu’il sceust. O que nous eussions esté avisez, si nous eussions mis en effet ceste deliberation !

Mais oyez, gentilles bergeres, ce qui en avint : Leriane,