Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/406

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voyant la bonne chere que je luy faisois, se monstroit si desireuse de me plaire qu’en fin je vins à l’aimer insensiblement ; et elle, d’autre costé, prenant garde aux recherches que Damon luy faisoit, creut aysément qu’il l’aymoit. Et ceste creance, jointe à la beauté et aux perfections de ce jeune chevalier, convierent bien tost Leriane de l’aymer, de sorte qu’il n’y eust que le pauvre Damon qui ne se trompa point, et toutesfois ce fut luy qui paya plus cherement nos erreurs. Et quoy qu’il recogneust bien dés le commencement ce que je vous dis, si ne m’en peut-il empescher. Il me souviendra le reste de ma vie des parolles dont il usa, lors qu’il me le dit : Ma sœur, me dit-il, vous aymez Leriane, mais souvenez-vous qu’elle ne le merite pas, et que je crains que vous n’y preniez garde trop tard. Elle a un tres-mauvais dessein, et envers vous, et envers moy, car la femme de Leontidas ne vous l’a donnée que pour vous espier, et croyez que veritablement la bonne chere que vous m’avez commandé de luy faire, luy a donné occasion de croire que je l’aymois, et que ceste opinion est cause qu’elle ne me veut point de mal. – Tant mieux, luy dis-je, mon frere, en sousriant, je sçay bien que vous ne serez pas amoureux d’elle, pour le moins, je vous asseure que je n’en seray jamais jalouse ; et cependant la bonne volonté qu’elle