Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/429

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ma maistresse, de faire cette demande, et il y faut bien aviser ; car à tel vous pourriez-vous addresser qui, par apres, en feroit son profit, et pourioit nuire à vostre reputation, de sorte que je conclus qu’il faut que ce soit un homme de qui vous puissiez disposer absoluement, et qu’il soit au prix de vous de si peu de consideration que, quand vous voudrez vous en retirer, il n’ait la hardiesse de s’en plaindre, ou s’en plaignant, qu’au lieu d’estre creu, chacun se mocque de luy.

Et, à ce mot, baissant les yeux en terre, apres s’estre teue quelque temps, et se grattant le derriere de la teste, feignant d’en chercher un, elle releva les yeux tout à coup sur moy et me dit : Mais pourquoy cherchons-nous bien loin ce que nous avons si pres ? Qui sçauroit estre meilleur que Tersandre ? Vous en ferez tout ce que vous voudrez, et il n’oseroit souffler, tant s’en faut qu’il s’ose plaindre, outre qu’il est si discret et si plein de bonne volonté que je ne croy pas qu’il s’en puisse rencontrer un qui soit plus propre à ce pourquoy nous le demandons.

Lors qu’elle me nomma Tersandre, je me ressouvins de ce qui s’estoit passé, et jugeay bien qu’elle me le proposoit plustost qu’un autre, pource qu’elle l’aimoit ; mais aussi je connus bien que sa condition et sa prudence estoyent telles qu’il les faloit pour executer la resolution que nous avions prise. Et quoy que