Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/431

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

receu le service de Tersandre, et oublié son affection ; et apres avoir supporté ce desplaisir quelque temps, pour voir si je ne changeois point, en fin n’en ayant plus le pouvoir, il resolut de me faire quelques reproches. Et parce que Leriane estoit tousjours aupres de moy, il luy fut impossible de me parler que dans la chambre mesme de Leontidas. Il print donc l’occasion, lors que sortant de table j’estois esloignée de cette femme, et parce qu’il vid bien qu’il n’auroit pas beaucoup de loisir, il me dit : Est-ce que vous voulez que je meure, ou que vous ayez faict dessein d’espreuver combien une personne qui ayme peut supporter des rigueurs ? Je luy respondis froidement : Vostre mort ne me touche non plus que mes rigueurs vous peuvent atteindre. Il me vouloit respondre, mais Leriane survint, parce qu’elle s’estoit prise garde de ses propos, et par sa presence contraignit Damon de se taire, outre que me tournant vers elle je luy en ostay le moyen. Ceste rusée me regarda, me faisant signe que c’estoit un effect de nostre dessein ; et puis s’approchant de mon oreille : Ne voicy pas, dit-elle, un bon commencement ? Il faut continuer, et vous verrez que je m’y entens. Ah ! la malicieuse, elle avoit raison de dire qu’elle s’y entendoit, mais c’estoit à me rendre la plus malheureuse personne qui fut jamais.