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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/447

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tendit, et me dit telles parolles : Fay-moy paroistre en ceste derniere occasion, que la nourriture que je te t`ay donnée, et l’eslection que j’ay faite de toy, n’a point esté sans raison. Et soudain que je seray mort ; porte ma lettre, et cette bague à Madonte, et ce mouchoir plein de sang à Leriane, et dy luy que, puis qu’elle n’a peu se saouler de me faire mal tant que j’ay vescu, je luy envoyé ce sang afin qu’elle en passe son envie. – Comment luy dis-je, seigneur, que je vous voye mourir pour des femmes qui ne le meritent pas ? Plustost, si vous me le commandez, je leur mettray ce fer dans le cœur, et leur feray reconnoistre qu’elles sont indignes qu’un tel chevalier soit traité pour elles de ceste sorte. Voyez quelle fut la force de son affection ! Il estoit reduit à telle extremité, qu’à peine pouvoit-il parler et tout ce qu’il pouvoit faire, c’estoit de se soustenir appuyé contre le rocher ; mais lors qu’il m’ouyt tenir ce langage, il se leva de furie, mit la main à l’espée et m’eust sans doute tué, si je ne me fusse sauvé de vitesse. Et voyant qu’il ne me pouvoit attaindre : Est-ce donc ainsi, m’escria-t’il, meschant et desloyal serviteur, que tu parles indignement de la plus parfaite dame du monde ? Sois certain que si la vie me demeuroit, tu ne mourrois jamais que par ma main. Et lors revenant sur le lieu où il estoit desja, et sentant que la foiblesse commençoit de le saisir,