Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/446

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ne fay faute de la luy donner. Et sortant du doigt la bague qu’il avoit ostée à Tersandre : Donne-la luy aussi, me dit-il, et l’asseure de ma part que la mort m’est agreable, puis que je luy ay peu rendre tesmoignage que je la meritois mieux que celuy à qui elle l’avoit donnée. Et puis que mon espée a osté du monde celuy qu’elle en avoit jugé digne, et que sa rigueur oste la vie à celuy de qui l’affection la pouvoit meriter, conjure-la par la mémoire de ceux desquels elle a pris naissance, et par son propre merite, et l’amitié qu’elle m’avoit promise, de ne la donner jamais plus à personne de qui l’amour luy soit honteuse, et qui ne le sçache bien conserver.


Je receus la lettre et la bague qu’il me tendoit, mais voiant qu’il n’avoit plus la forcé de se soustenir, et qu’il devenoit pasle, je le pris sous les bras, et luy dis qu’il devoit faire paroistre plus de courage, et prendre une autre resolution, sans estre de cette sorte homicide de soy-mesme. Et sortant mon mouchoir, je le voulus mettre contre une de ses blesseures qui estoit la plus grande, et par laquelle il perdoit plus de sang ; mais me Postant de furie d’entre les mains : Tay toy, Halladin, me dit-il, et ne me parle plus de vivre, maintenant que je ne le puis aux bonnes graces de Madonte. Et lors, estendant mon mouchoir sous sa blesseure, il receut le sang qui en sortoit, et le voyant presque plein, me le