Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/449

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mouchoir, je viens les vous presenter. C’est à vous, madame, me dit-il, que cette lettre et cette bague sont deues, et n’en ayez’ point d’horreur, encor qu’elles soient tachées de sang, car c’est du plus noble et du plus genereux qui sortit jamais d’un homme. Et c’est à toy, dit-il, s’adressant à Leriane, qu’est deu ce mou­choir. que je te vay donner : saoules-en ta rage, et te ressouviens que si jamais les dieux ont esté justes, ils puniront ta meschanceté. A ce mot il luy jetta aux pieds un mouchoir plein de sang, et se mettant aux cris, s’en alla comme desesperé, sans qu’on peut tirer autre parolle de luy. Il ne faut point que je m’arreste à vous dire si ce message me toucha vivement, car il seroit impossible de le pouvoir representer, tant y a que, toute hors de moy, on me ramena dans ma chambre, et de fortune je rencontray qu’on rapportoit Tersandre qui estoit encore sans sentiment. Quand je fus revenue en moy-mesme, et que d’un esprit un peu plus rassis, j’eus jetté les yeux sur la bague que Halladin m’avoit apportée, il me sembla de voir celle que je portois ordinairement, et les approchant l’une de l’autre, je n’y trouvay autre difference, sinon que celle-cy estoit un peu plus neufve et plus grande. Je ne sçavois penser pourquoy elles avoient esté faites si semblables, ny qui l’avoit donnée à Tersandre ; en fin je leus