Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/452

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de luy parler de ceste sorte, demeurerent infiniment estonnez. Mais elle qui avoit l’esprit le plus prompt en ses malices qui fut jamais, sortant de ma presence, joignoit les mains, plioit les espaules, et levoit les yeux en haut, et leur disoit d’une voix basse que j’estois hors de moy, et que je resvois, ce qu’ils creurent aisément pour m’avoir desjà ouy dire quelques autres parolles mal à propos, et sortit de ma chambre avec cette excuse.

Cependant Tersandre revint en santé, car les coups qu’il avoit receus ne se trouverent point mortels, et la perte du sang, sans plus, estoit celle qui l’avoit faict esvanouyr. Et de mesme, en ce temps là, j’avois repris mon bon sens, et commençay de m’enquerir de ce que l’on disoit par la Cour de moy. Je sceus de ma nourrice qui m’aymoit comme son enfant, que chacun en parloit selon sa passion, mais que tous en general me blasmoient de la mort de Damon, et que l’on tenoit pour certain que Leriane avoit dit beaucoup de nouvelles à Leontidas, et à sa femme. Et en mesme temps je vis entrer Tersandre dans ma chambre. Sa veue me donna un grand sursaut, et ne voulois point parler à luy, lors qu’il se jetta à genoux devant mon lict, et me voyant tourner la teste à costé : Vous avez raison, me dit-il, madame, de ne vouloir point regarder la personne du monde la plus indigne de vostre vene ; car j’advoue que je merite moins cest honneur