Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/451

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pas capables de faire mourir un miserable.

Ces parolles qui n’estoient pleines que d’un extréme transport, me firent une estrange blesseure en Faine, car je fus saisie d’un si grand desplaisir, que je ne vous sçaurois dire ny ce que je dis ; ny ce que je fis. Tant y a que me mettant au lict, je faillis perdre l’entendement, me semblant à tous coups que Damon me pour- suivoit, et sur tout ce mouchoir plein de sang me revenoit devant les yeux, de sorte qu’il falloit qu’il y eust tousjours quelqu’un aupres de moy pour me r’asseurer. Leriane qui ne pensoit pas que je sceusse toutes ses malices, voulut vivre comme de coustume avec moy, et pour mieux feindre, s’en vint toute esplorée au chevet de mon lict ; mais soudain que je l’aperceus, il faut que j’advoue que je n’eus point assez de force sur moy pour dissimuler la hayne que je luy portois, aussi me sembloit-il inutile, puis que Damon estoit mort. Oste-toy d’icy, luy dis-je, meschante et perfide creature. Oste-toy d’icy, peste des humains, et ne viens plus autour de moy pour continuer tes malices et tes trahisons, et croy que si j’avois la force, aussi bien que la volonté, je t’estranglerois de mes mains et me saoulerois de ton cœur.

Ceux qui estoient dans la chambre, ignorant le subjet que j’avois