Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/460

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qu’elle ait fait une si grande honte à sa race. Mais de qui comment le sçavez-vous ? – Madame, dit-elle, je vous supplie tres-humblement de me pardonner, et de croire que je n’ay pas esté si nonchalante en la charge que vous m’avez donnée d’avoir soin de sa conduite, comme j’ay esté deceue de la bonne opinion que j’avois d’elle, veu le peu d’apparence qu’il y avoit qu’elle deust aymer une personne de si peu que Tersandre. Et j’advoue que la jalousie a les yeux plus clairs voyants que la pridence, puis que Damon s’estoit bien apperceu de cette amour que je n’avois jamais veue. En fin je l’ay par le moyen d’une sage femme, à laquelle elle s’est adressée pour faire perdre son enfant. Mais la bonne femme qui est vertueuse, et qui ne voudroit commettre une meschanceté, luy a respondu qu’il ne se pouvoit, parce que l’enfant estoit entierement formé, voire prest à sortir, mais qu’elle ne se mist pas en peine, qu’elle la feroit accoucher si promptement que personne n’en sçauroit rien. Or ceste femme a eu peur qu’elle se mesfist, c’est pourqouy elle m’en est venue advertir, afin que j’y prisse garde. Et parce que j’estois en peine de sçavoir qui en stoit le pere, je luy ay demandé si elle n’en pouvoit soupçonner personne. – Mais aisément, m’a-t’elle dit, si ce n’est Tersandre car à toutes les