Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/459

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cette meschante, mais avec condition, madame, que vous me pardonnerez l’offence nouvelle que je vous declareray, si vous jugez qu’il ait de ma faute.

Et luy ayant commandé qu’elle parlast hardiment, Leriane reprit la parolle ainsi : Madonte (en la personne de laquelle, madame, Dieu a bien fait paroistre qu’il vous aymoit, puis qu’il n’a voulu permettre qu’elle entrast en vostre maison) est la plus miserable et perdue fille d’Aquitaine. Et j’advoue que je n’eusse jamais pensé qu’une jeunesse telle que la sienne eust peu si bien decevoir ma viellesse, et toutesfois il est certain que sa façon modestre, sa froideur, ceste mine altiere, et bref, les honorables ayeuix dont elle estoit issue, et plus encores les bons exemples qu’elle avoit de vous, m’ont tellement abusée, que j’eusse respondu avec autant d’asseurance de sa pudicité que de la mienne propre. Et toutesfois, je viens de descouvrir qu’elle est enceinte. – Madonte est enceinte ? Interrompir ceste bonne dame toute surprise. – Quy, madame, respondit Leriane, et si je vous diray de plus, qu’elle est preste d’accoucher. – Ah ! la miserable qu’elle est ! Repliqua-t’elle ; et comment s’est-elle de tant oubliée ? Et comment n’y avez-vous eu l’oeil ? Ah ! Si son pere vivoit en quel lieu de la terre evciteroit-elle son juste courroux ! Qu’il est heureux d’estre mort avant