Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/472

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accordez. Et lors nous faisant separer, je fus remise en seure garde, et Tersandre aussi. Et fut ordonné que les tesmoins nous seroient representez.

Voylà donc la sage femme et la nourrice à on avoit remis l’enfant d’Ormanthe, qui rendent tesmoignage de ce qu’elles sçavent. Voilà le vieil chevalier, e la damoyselle dont je vous ay parlé, qui en font de mesme. Elle produit outre cela diverses personnes ui avoient veu sortir cet enfant de mon logis ; bref les preuves estoient telles, que si Dieu n’eust eu soin de mon innocence, il n’y a point de doute que j’eusse esté condamnée.

De fortune, les juges estant dans ma chambre, et me lisant les depositions faites contre moy ; je ne sceus que faire en cette affiction, que de recourre aux dieux et levant les yeux au ciel, je m’escriay : O dieux tout puissants ! Qui lisez dans mon cœur, et qui sçavez que je ne suis point atteinte de ce dont je suis accusée, soyez mon support, et declarez mon innocence, Et lors, comme inspireé, de quelque bon demon, je me tournay vers la cheminée et addressant ma parolle aux juges ; Si ces accusations, leur dis-je sont veritables, je prie les dieux que je ne puisse plus respirer, et si elles sont faulses, je les requiers que ce charbon ardant ne me puisse point brusler. Et soudain me baissant, je pris un gros charbon du feu, et le tins sans me brusler avec la main nue si