Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/489

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Qu’Amour ne desire rien hors de soy-mesme ? Tant s’en faut, on voit le cintraire, puis que nous ne desirons que ce que nous n’avons pas. – Si vous entendiez, respondit Tircis, de quelle sorte par l’infinie puissance d’amour deux personnes ne deviennent qu’un, et une devient deux, vous connoistriez que l’amant ne peut rien desirer hors de soy-mesme. Car aussi que vous auriez etendu comme l’amant se transforme en l’aymé, et l’aymé en l’amant, et par ainsi deux ne deviennent qu’un, et chacun toutesfois estant amant et aymé par consequent est deux, vous comprendriez, Hylas, ce qui vous etst tant difficile, et adcoueriez que, pui qu’il ne desire que ce qu’il ayme, et qu’il est l’amant et l’aymé, ses desirs ne peuvent sortir de luy-mesme. Voicy bien, dit Hylas, la preuve du vieux proverbe : Qu’un erreur en attire cent. Car pour me persuader ce que vous avez dict, vous n’allez figurant des choses encores plus impossibles à sçavoir, que celuy qui ayme, devient ce qu’il ayme, et par ainsi je serois donc Phillis.

La conclusion, dit Silvandre, n’est pas bonne, car vous ne l’aymez pas, mais si vous disiez qu’en aymant Diane, je me transforme en elle, vous diriez fort bien. – Et quoy ? dit Hylas, vous estes donc Diane ? Et vostre chapeau aussi n’est il point changé en sa coiffure, et votre juppe en sa robe ? – mon chapeau, dit Silvandre, n’ayme pas sa