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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/501

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de luy permettre de me servir ; et s’il est si outrecuidé que de me le declarer, qu’il s’asseure que je le traitteray de sorte qu’il n’aura jamais la hardiesse de m’en parler deux fois. – Mais, ma sœur, dit Astrée, quelle est donc votre intention ?

De nous punir tous deux, respondit Diane : je veux dire de le chastier de la hardiesse qu’il aura eue de m’aimer, et me punir aussi de la faute que j’ay faite de l’avoir agreable, afin d’estre pour le moins plus juste que bien avisée.

Ma sœur, dit Astrée, ce dessin est tres pernicieux, car en cela vous ne vous rapporterez nulle satisfaction, mais beaucoup de peine et peut-estre une extreme confusion. Prenez garde que, voyant un caillou, vous n’y apercevez point de feu, mais si vous le frapez, ou avec un autre caillou, ou avec quelque chose de plus dur, vous le voyez incontinent tout couvrir d’estincelles, et par ainsi le feu caché se descouvre. Fait estat que de mesme ces jeunes cœurs, qui ayment bien, s’ils ont de la prudence, cachent discrettement leurs affections, et n’en donnent la veue qu’à ceux qui en doivent avoir connoissance. Mais quand ils sont hurtez, je veux dire quand une trop grande riguer les outrage, ils sont si transportez de leur passion, qu’il leur est impossible qu’ils la puissent dissimuler. Et Dieu sçait si cela peit estre sans mettre un grand trouble en l’ame de celle pour qui ces choses se font, car de quelque costé que ces discours puissent tumber, ils ne peuvent estre à la advantage