Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/502

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d’une fille. Vostre sagesse, ma sœur, vous feroit bien conseiller une autre, mais chacun a les yeux clos le plus souvent pour soy-mesme : c’est ce qui convié à vous demander des le commencement si vous aymez ou n’aimez pas ce berger. Car si vous ne ’aymez point, il faut d’abord retrancher toute conference et toute pratique, mais si entierement et si promptement qu’il ne luy reste nul espoinny à ceus qui descouviront son affection, aucun soupçon que vous y ayez jamais consenti. Et il ne faut point se flatter en cela, de dire qu’une femme ne peut non plus s’empescher d’estre aymée que d’estre veue. Ce sont des contes pour endormir les personnes moins ruzées, puis qu’en effect, il n’y a celuy ne se desparte de telle entreprise, si des le commencement toute esperance luy est ostée, non pas d’une partie, mais du tout. Que si nous en voyons quelques opiniastres, c’est pour quelques jopurs seullement, estant certain que l’amour, non plus que le reste des choses mortelles, ne peut vivre sans nourriture, et que la propre nourriture d’amour, c’est l’esparance. Mais si vous l’aymer ainsi que vous m’avez dit, et comme, à la verité, il le merite, ce seroit, ma sœur, une grande imprudence, ce me semble de vouloir vous ravir ce qui vous plait.