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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/505

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donner connoissance qu’il estoit là par quelque cuisant souspir. Car de s’en aller pour souspirer à son aise loin d’elle, il ne pouvoit obtenir cela sur luy-mesme, estant trop desireus d’escouter la fin de leur discours, de sorte que se fut un grand bien pour luy que ces bergeres, apres s’estre donné le bon soir, s’endormissent. Car il se retira vers ses compagnons, ausso doucement qu’il en estoit party, et ayant repris sa place et bien regardé si quelqu’un de ces bergers ne veilloit point, et trouvant qu’ils estoient tous profondement en dormis, il se mit à la renverse, et les yeux en haut, il consideroit à travers l’espesseur des arbres les estoiles qui paroissoient et les diverses chimeres qui se forment dans

la nue, mais il n’y en avoit point tant, ny de si diverses à ce qu’il disoit luy-mesme, que celles que les discours qu’il venoit d’ouyr luy mettoient en la pensée, achetant par la bien cherement le plaisir qu’il avoit de sçavoir que sa Diane l’aimoit, estant en doute s’il estoit plus obligé à sa curiosité qui luy avoit fait avoir ceste connoissance que des-obligé pour avoir appris la cruelle resolution qu’elle avoit faite. Cette imagination fut debatue en son ame fort long temps ; en fin, Amour par pitié luy permit de clorre les yeux, et y laisser couler le sommeil pour enchanter en quelque sorte ses fascheuses incertitudes.