Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/504

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que cela m’adviendra, je proteste que jamais je ne luy permettray de me voir, ou s’il me voit, de m’en parler, ou s’il m’en parle, et qu’il m’ayme, je le traitteray de sorte que s’il vit, je croiray qu’il ne m’aymera plus. – Et vous, dit Astrée, que deviendrez-vous cependant ? – Je l’aimeray sans doute, respondit Diane, et en l’aymant et vivant de cette sorte avec luy, je puniray que j’auray faicte de l’aymer. – Je prevois, adjousta Astrée, que ce dessein vous prepare plus de peines et de mortels desplaisirs que la vanité qui le vous fait faire ne vous donnera jamais de faux contentements.

Cependant que ces bergeres discouroient de ceste sorte, pensant que personne ne les ouyst, Laonice estoit si attentive que pour n’en perdre une seulle parolle, elle n’osoit pas mesme souffler, par ce qu’il n’y avoit rien qu’elle desirast avec plus de passion que de descouvrir les nouvelles qu’elle aprenoit. Mais Silvandre y demeuroit ravy, et lors qu’il cyoit au commencement les favorables parolles que Diane disoit combien s’estimoit-il heureux ? Puis quand il escoutoit les conseils d’Astrée, et la deffence qu’elle faisoit de son merite, combien luy estoit-il oblige ? Mais quand sur la fin il vit la resolution que Diane prenoit, ô dieux ! Qu’est-ce qu’il devint ? Il fut tres à propos pour luy que ces bergeres s’endormissent, puis qu’il luy eust esté impossible de ne