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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/528

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donner la mort. Mais ayant bonne memoire de ses paroles, et me ressouvenant que ce bannissement n’estoit pas pour tous joins, mais seulement autant qu’elle demeureroit à me commander de revenir, j’ay vescu de cette sorte, attendant que l’amour me rappellast, comme il semble qu’elle m’ait promis, ou à son deffaut, la mort qui ne me sera jamais moins ennuyeuse qu’en l’estat où je suis. – Mais, comment, pauvre abusé, repliqua la nymphe, pouvez-vous esperer qu’elle vous rappelle, si elle ne sçait : pas où vous estes ? – Amour, respondit-il, qui m’a conduit icy, n’a pas oublié le lieu où je suis, puis qu’ordinairement il m’y vient entretenir ; et puis que c’est par luy que je dois esperer qu’elle me rappelle, il ne faut point, que je doute que sans moy il ne luy fasse bien entendre en quel lieu il m’a confiné. – Si vos imaginations, repliqua la nymphe, pouvoient autant sur les autres que sur vous il y auroit quelque apparence en ce que vous dites ; mais croyez que les dieux n’aident guiere à ceux qui ne s’aident point eux-mesmes. Et ne pensez que je vous en parle sans raison., car je sçay fort bien que, si Astrée vous sçavoit en vie, elle vous desireroit aupres d’elle. – Et comment, dit incontinent le berger, le sçavez-vous, belle nymphe ? – Je l’ay appris, dit-elle, de la tristesse que je vois en son visage. – Elle se trouve peut-estre mal d’ailleurs, dit le berger, mais où l’avez-vous veue