auquel elle l’avoit trouvé. Tant que le chemin dura, elle ne fit que penser et chercher les moyens de le retirer de cette façon de vivre. Quelquefois, eue avoit opinion qu’elle devoit faire entendre le tout à la bergere Astrée, afin que l’y conduisant, il laissast cette vie sauvage. Mais elle changeoit d’avis aussi tost qu’elle se ressouvenoit que par ce moyen elle s’ostoit toute esperance de pouvoir jamais estre aymée de luy, sçachant bien que si Astrée entendoit qu’il fust en vie, et qu’elle le peust trouver, elle luy feroit tant de demonstrations de bonne volonté qu’elle ne devoit plus rien esperer de luy. Car encor qu’elle eust trouvé Celadon si opiniastre pour conserver l’affection qu’il portoit à sa bergere, si ne se pouvoit-elle figurer qu’une amitié peut longuement vivre. seule, et se persuadoit qu’en fin l’amour feroit des merveilles pour elle, ou pour le moins le desdain d’Astrée. Changeant donc d’avis, et se representant qu’Adamas avoit tousjours beaucoup aymé le pere de Celadon, à ce qu’elle luy avoit ouy dire, elle jugea d’estre à propos de l’avertir de la vie qu’il faisoit, s’asseurant bien qu’il y mettroit l’ordre qui seroit necessaire. Toutesfois, considerant que le Lieu où Celadon s’estoit reduit, estoit le plus commode qu’elle sçauroit choisir, fust pour l’entretenir tout seul, fust pour luy rendre de grandes preuves de sa bonne
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