Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/587

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ait remis sous nostre volonté, si ne sommes-nous pas nostres, et faut que nous attendions un rude chastiment, si nous avons disposé de nous-mesmes autrement que nous n’avons deu. Et comment pensez-vous estre raisonnable, puis qu’en l’aage où vous estes, sans soucy de vos troupeaux, de vos parens ny de vos amis, vous vivez comme un ours sauvage dans les antres escartez, esloigné de la veue de chacun, et sans vous prevaloir en ceste occasion des remedes que ce grand Dieu a remis entre vos mains ? Vous direz que l’affection que vous portez à la bergere Astrée vous y contraint. Mais, mon enfant, rentrez en vous-mesme, et considerez que si vous l’avez offencée, tant que vous serez loin d’elle, vos services n’effaceront point ceste offence, et si vous ne l’avez point offencée, comment esperez-vous de luy faire cognoistre vostre innocence ? Or sus, mon enfant, je vous accorde que par le passé vous avez eu quelque raison de vous retirer de sa presence, voire mesme de la veue de chacun, afin qu’elle cogneust qu’elle peut toute chose sur vous, et que la perte de ses bonnes grâces est du nombre de celles qui ne se peuvent recevoir, sans perdre aussi pour quelque temps l’usage de la raison. Mais à ceste heure il est temps que vous reveniez en vous-mesme, et que vous luy fassiez paroistre que vous n’estes pas seulement amoureux, mais homme aussi, et que si le desplaisir vous a jusques icy osté l’usage de la raison, la raison toutesfois vous est demeurée qui, peu apres, a repris sa